Le procès en Cour fédérale opposant Postes Canada à la société Geolytica vient de connaître des développements intéressants puisque Postes Canada a décidé d’ajouter une corde à son arc et d’attaquer Geolytica non plus seulement sur le terrain du droit d’auteur mais aussi sur celui des marques de commerce.

Retour sur les faits

Postes Canada, ou jusqu’en 1981 le Département des bureaux de postes du gouvernement du Canada, a débuté dans les années soixante-dix une compilation de données géographiques et postales dans une base de donnée (la « Base de données »). Ces données géographiques ont été traduites dans une série de codes alphanumériques, les codes postaux, qui fait correspondre à chaque série de codes des informations précises sur un lieu comme la ville dont il dépend, la rue où il est situé, le fait qu’il soit en zone rurale ou urbaine, etc… Cette grande entreprise avait pour but d’améliorer l’efficacité de la livraison du courrier au Canada. La Base de données a été créée et mise à jour par des employés de Postes Canada. Elle contient des mentions indiquant qu’elle est protégée par droit d’auteur et que Postes Canada en est le titulaire.

Geolytica, incorporée en 2007, opère un site Internet (www.geocoder.ca) sur lequel sont offerts au public des services et données de localisation et d’information géographique.

Bien que Postes Canada octroie des licenses pour la reproduction et l’utilisation à des fins commerciales da la Base de données à diverses entreprises, Geolytica, elle, n’a jamais obtenu une telle license. Postes Canada prétend ainsi que Geolytica s’est appropriée la Base de données et en a fait une reproduction non autorisée, violant ainsi le droit d’auteur qu’elle possède sur la base de donnée.

Le 9 mars 2012, Postes Canada dépose un Statement of Claim auprès de la Cour fédérale. Elle y allègue que Geolytica a enfreint l’article 27(1) de la Loi sur le droit d’auteur en reproduisant des éléments de la Base de données, ce qu’étant titulaire du droit d’auteur, seule Poste Canada est autorisée à faire.

Geolytica a toujours combattu ces accusations, arguant notamment du fait que les codes postaux étant de simples fait, il n’était pas possible de détenir un quelconque droit d’auteur sur eux.

Dans un Amended Statement of Claim déposé auprès de la Cour fédérale à la fin avril 2013, Postes Canada a étendu la portée de sa plainte et allègue désormais une violation de Geolytica à la Loi sur les marques de commerce. En particulier, Postes Canada prétend détenir des droits exclusifs sur les termes « CODE POSTAL » et « POSTAL CODE ». Depuis 2005, les termes « CODE POSTAL » et « POSTAL CODE » sont en effet inscrit au Registre des marques de commerce comme des marques officielles, adoptées par Postes Canada. Les marques officielles, régies par l’article 9(1)(n)(iii) de la Loi sur les marques de commerces sont différentes des marques de commerces, pour plus d’informations nous renvoyons notre lecteur à ce billet.

Dans son Amended Statement of Claim, Postes Canada, en sus de ses prétentions fondées sur le droit d’auteur, allègue désormais que Geolytica utilise ses deux marques officielles de façon non-autorisée en offrant ses services au public. Postes Canada fonde son action sur l’article 7(b) de la Loi sur les marques de commerce qui établit un délit civil de commercialisation trompeuse, plus connu sous son acception anglaise de passing off. Postes Canada est ainsi d’avis que non seulement Geolytica utilise ses marques officielles sans son autorisation, mais qu’elle fait passer son service pour celui de Postes Canada, engendrant une dangereuse confusion pour les consommateurs canadiens.

Postes Canada souhaite ainsi obtenir une injonction permanente empêchant Geolytica ainsi que sa tête dirigeante, Ervin Ruci, d’utiliser la Base de données et les Marques officielles à l’avenir. De plus, Postes Canada désire que toutes les copies non autorisées de la Base de données détenues par Geolytica soient supprimées. Postes Canada souhaite également obtenir des dommages et intérêts en vertu de la Loi sur le droit d’auteur et en vertu de la Loi sur les marques de commerce.

Il sera intéressant de suivre cette affaire, qui pourrait modifier le paysage de non plus un mais bien de deux pans du droit de la propriété intellectuelle canadien