Le gouvernement fédéral vient d’annoncer que la Loi sur la modernisation du droit d’auteur (aussi connue sous Projet de loi C-11) finira d’entrer en vigueur en janvier 2015, avec l’entrée en vigueur des dispositions relatives au régime d’ « avis et avis ».

Rappelons qu’en novembre 2012, la Loi sur le droit d’auteur changeait radicalement, avec l’introduction de quelques nouveaux droits, mais surtout de plusieurs exceptions controversées. C-11 codifiait également le principe, déjà reconnu par la Cour suprême du Canada en 2004 dans l’affaire du Tarif 22 de la SOCAN, que les intermédiaires Internet, tels les fournisseurs de service Internet (FSI), ne sont pas responsables des violations de droit d’auteur ayant lieu par l’intermédiaire d’Internet du seul fait qu’ils fournissent le moyen de communication rendant possible cette violation.

Le régime exigera des FSI et des hébergeurs de sites web (les « Intermédiaires ») qu’ils se plient à deux formalités lorsqu’ils reçoivent un avis de violation de la part d’un titulaire de droit d’auteur:

  • Transfert rapide de l’avis au présumé contrefacteur (la personne à qui appartient l’emplacement électronique identifié par les données de localisation précisées dans l’avis);
  • Rétention de l’identité du présumé contrefacteur pour une période de 6 mois, ou 1 an si une procédure judiciaire est engagée par le titulaire de droit d’auteur.

Vous avez bien lu : les Intermédiaires n’ont aucune obligation de retirer le matériel problématique! Contrairement au DMCA américain, donc, qui exige que le matériel problématique soit retiré après un court laps de temps après la réception de l’avis, C-11 fait des Intermédiaires de simples boîtes aux lettres.

Au Canada, afin que le matériel problématique soit retiré, il appartiendra au demandeur d’obtenir d’un tribunal qu’il ordonne à l’Intermédiaire de lui dévoiler l’identité du présumé contrefacteur. Première étape coûteuse et ayant peu de chances de succès, puisque nos tribunaux sont très réticents à faire exception au droit à la vie privée des internautes. Le temps que cette première étape soit franchie, si elle l’est, le matériel problématique risque d’être devenu viral sur Internet, rendant futile toute tentative de contrôle. Et ce avant même que le défendeur potentiel ne soit identifié.

Certains ont émis l’hypothèse que puisque l’aspect « take down » n’est pas présent dans la procédure canadienne, cela aura pour effet de faire augmenter les litiges de droit d’auteur afin d’en arriver au retrait de la contrefaçon. Cette hypothèse relève d’une grande naïveté à mon avis, puisque rares seront les titulaires de droit qui voudront ou auront les moyens de s’embarquer dans une telle galère.

Résultat des courses : la procédure « avis et avis » n’aura comme seul effet tangible d’imposer des formalités administratives aux Intermédiaires et n’aidera en rien les titulaires à empêcher la violation de leurs droits.

Dans un communiqué de presse hier, la Ministre du Patrimoine Shelly Glover nous dit que les créateurs Canadiens « auront maintenant la certitude que leurs œuvres sont protégées au Canada et à l’étranger ». Euuuhhhh…. non.

La loi prévoit même que l’Intermédiaire peut exiger un paiement en échange de ce « service », dont le maximum peut être fixé par règlement. Nous apprenons cette semaine qu’aucun règlement n’accompagnera l’entrée en vigueur du régime « avis et avis », ce qui fait qu’aucun droit ne pourra être perçu. C’est au moins ça.

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