Par: Jean-François Drolet

La Communauté économique européenne a mis en place il y a un peu plus de 15 ans (soit depuis le 1er avril 1996) un système unifié d’enregistrement de marque de commerce qui permet au titulaire de profiter d’une protection dans l’ensemble des pays de la Communauté grâce à un seul dépôt. L’enregistrement, une fois obtenu, assure le titulaire d’une protection dans l’ensemble des 27 pays de la Communauté qui, faut-il le mentionner, couvre les principaux pays européens à l’exception notable de la Suisse et de la Norvège.

Ce système, issu de l’application d’une convention internationale dont les balbutiements remontent aux années 60, est placé sous la juridiction d’un organisme communautaire localisé dans le sud-est de l’Espagne (Alicante) et connu sous le nom d’« Office de l’harmonisation dans le marché intérieur » (OHMI).

À la différence des marques nationales qui profitent d’une plus grande flexibilité en ce qu’elles peuvent être transférées indépendamment l’une de l’autre, ce système crée un titre unifié qui ne peut être scindé ou divisé. La marque communautaire est donc valide dans l’ensemble des pays membres qui forment alors un tout.

À l’instar des règles généralement applicables globalement, une marque ne pourra être maintenue au registre que si elle fait l’objet d’un emploi sérieux soit un usage en lien avec les produits et services qui lui sont associés de façon à créer un achalandage et une reconnaissance pour les consommateurs. Ainsi, et en l’absence d’un emploi par le titulaire, l’enregistrement pourra être radié pour déchéance suite à une demande logée par un tiers intéressé.

Cette unité d’ensemble caractéristique de la marque communautaire soulève donc une question intéressante qui a connu sa conclusion à la fin du mois de décembre dernier. Est-il, en effet, suffisant de démontrer un usage sérieux dans un seul pays membre, par exemple au Luxembourg ou à Malte, pour maintenir ses droits dans l’ensemble du territoire qui inclut, pour n’en nommer que quelques-uns, la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni?

Dans une décision rendue par la Deuxième Chambre des cours de justice des Pays-Bas dans l’affaire Leno Marken BV vs. Hagelbruis Beheer BV, la Cour a déterminé que l’usage sérieux dans un seul pays membre était suffisant pour maintenir l’enregistrement communautaire dans son intégralité. Dans cette affaire, Leno, titulaire d’un enregistrement communautaire obtenu en 2003 pour la marque ONEL, s’est objectée à l’enregistrement par Hagelbruis de la marque OMEL en association avec des services similaires. Dans le cadre de son opposition, Leno devait démontrer avoir fait un usage sérieux de sa marque au cours de la période de 5 ans précédant la date du dépôt de la marque OMEL. Leno a démontré avoir fait tel usage aux Pays-Bas, mais la Première Chambre a questionné le caractère suffisant de cet emploi.

La Cour a donc rappelé le caractère indivisible de l’enregistrement communautaire et, en même temps, le caractère unitaire du territoire européen.

Cette décision est intéressante pour les entreprises québécoises qui ne font affaire que dans une partie du territoire européen dans la mesure où elle nous rappelle qu’il sera suffisant de maintenir un emploi sérieux dans un seul pays membre pour pouvoir s’assurer d’une protection étendue pour l’ensemble de ces pays.