Par: Pierre Nguyen
Ils sont connus sous différents noms, sont dans différents pays, protègent des inventions et des dessins, mais ils ont deux points importants en commun : ils ne coûtent pas cher au dépôt, mais leur nature floue pèse des milliers de dollars d’incertitude. L’expression « petty patents », ou brevets à 5 cennes selon la traduction libre de l’auteur…
On parle ici de brevets, modèles utilitaires, dessins industriels qui ne subissent pas d’examen en substance : une fois le dépôt fait, la procédure d’examen est du « rubber stamping », ou un examen simplifié sur le critère de nouveauté seulement, et non sur le critère beaucoup plus sévère d’évidence. Quelques exemples :
Le modèle utilitaire, comme en Allemagne (le « Gebrauchsmuster »), ou en Australie (innovation patent), où un monopole est accordé simplement si l’invention respecte le critère de nouveauté.
Le dessin communautaire européen : sans examen méritoire! Il est donc possible de déposer une demande de dessin communautaire sur le siège Barcelone de Mies Van der Rohe, créé en 1929 (voir ici), et le dessin communautaire sera accordé!
Même des brevets dans des pays plus humbles. Par exemple, un dépôt directement à l’Office des brevets italien n’examine les cas que sur le critère de nouveauté.
Plutôt que de philosopher sur les mérites de ces protections à 5 cennes, voici plutôt un cas, généralement fictif, lié à ce type de protection :
Invention : carburateur trouvé dans une formule 1
-Inventeur : « où est-ce que le compétiteur a déposé son brevet sur carburateur? »
-Agent de brevets : « en Italie seulement… Voici d’ailleurs une traduction des revendications.»
-Inv.: « voyons, c’est vraiment trop large comme portée. La revendication 1 couvre presque tous les nouveaux modèles de carburateur. Est-ce que le brevet est accordé? »
-Agent: « Pas encore. Mais l’examen sera simplifié, car c’est en Italie. C’est donc assez probable que ça passe tel quel. »
-Inv. : « Quoi? »
-Agent: « C’est donc assez probable que ça passe tel quel. »
-Inv. : « Dans ce cas-là, le brevet italien qu’ils auront ne sera pas valide. On pourra facilement prouver que la revendication 1 n’aurait jamais dû être accordée? »
-Agent: « Effectivement, on aura beaucoup de preuves que le brevet n’aurait pas dû être accordé. Mais… ce sera devant les tribunaux italiens.»
-Inv. : « En italien? »
-Agent: « Oui, probablement. »
-Inventeur : « Parles-tu italien? »
-Agent: « Non, mais mon beau-frère est Italien. (…) De toutes façons, il faudra embaucher un avocat italien. »
-Inv. : « (blasphème)! Ça va me coûter une fortune! (silence) Il y a une course à Monza dans 6 mois. Est-ce qu’on peut faire de quoi pour faire invalider un brevet d’ici là ?»
-Agent: « Si le brevet est accordé? Devant les tribunaux italiens, il faudrait que je vérifie. Généralement, il y a une lourdeur administrative des appareils juridiques. Les italiens ont peut-être créé la Ferrari, mais le farniente aussi je crois. Donc, sous réserves, pas certain qu’on puisse faire de quoi rapidement. »
-Inv. : « Donc, si leur brevet italien est accordé, nous pourrions recevoir des mises en demeure nous menaçant contre l’utilisation de nos carburateurs à la course de Monza? »
(…)
Bref, tout un casse-tête d’incertitude, surtout pour le non-breveté. Et des dizaines de millions de lires de dépenses…