Par: Pierre Nguyen
Deux ans déjà! L’Office de la propriété intellectuelle du Canada (OPIC) a mis en œuvre le 3 mars 2011 une initiative permettant d’accélérer l’examen de demandes de brevet liées à des technologies vertes. L’OPIC a donc joint à sa façon la vague écologique. Mais qu’en est-il au juste de ce programme?
Les habitués savent qu’au Canada, il faut requérir l’examen pour qu’une demande de brevet soit examinée et donc ultimement qu’un brevet soit accordé. Or, une fois la requête d’examen faite, il y a un délai administratif allant souvent de deux à trois ans avant une première action d’un examinateur. Ce délai administratif est tout simplement lié au fait que les examinateurs canadiens sont débordés. Il est donc possible sous la section 26 des Règles sur les brevets de demander à ce que l’examen soit accéléré, moyennant le paiement d’une taxe de 500 $. Ainsi, grâce à cette règle, la première action de l’examinateur arrive en l’espace de quelques mois.
L’initiative d’examen accéléré pour technologie verte a le même effet que l’accélération de l’examen sous la section 26 des Règles sur les brevets, sauf qu’il n’y a pas de taxe de 500 $ à payer (et les honoraires!). En effet, si le demandeur réussit à convaincre l’examinateur par voie de pétition que la demande « se rapporte à une technologie dont la commercialisation aiderait à remédier à des problèmes environnementaux ou à en atténuer les conséquences, ou à préserver l’environnement et les ressources naturelles », le demandeur obtient un passe-droit et la demande est examinée rapidement.
Vous conviendrez que cette définition est vague. J’ai testé cette voie d’examen accéléré pour technologie verte en quelques occasions, et mon taux de réussite est de 100%. En y pensant bien, il est facile de faire l’argument qu’une technologie est verte. Voici d’ailleurs quelques exemples, comme d’habitude fictifs :
- Un gros moteur V8 à consommation de 15 litres/100km (NDLR : une voiture hybride, c’est aux alentours de 5 litres/100km) : « Ce moteur a été développé pour réduire de 1% la consommation de carburant par rapport à la génération précédente de moteur V8. Le moteur permettra donc d’atténuer les conséquences sur l’environnement des moteurs V8 de génération précédente. Le demandeur demande donc l’examen accéléré. ».
- Des sacs d’épicerie en plastique jetables plus épais (et donc fait avec plus de plastique) que ceux présentement utilisés dans les épiceries : « Pour les lourdes charges, les sacs d’épicerie jetables en plastique ont tendance à se déchirer, et les consommateurs utilisent donc souvent deux sacs, l’un dans l’autre. La présente demande de brevet porte sur un sac plus épais qui permet d’éviter d’utiliser le déchirement. Cette technologie est donc dite verte et permet d’atténuer les conséquences sur l’environnement de l’utilisation de deux sacs, l’un dans l’autre. Le demandeur demande donc l’examen accéléré. ».
- Bombe d’aérosol comprenant du CFC (gaz à effet de serre) : « Par l’utilisation d’une bombe aérosol avec CFC, il est possible d’insérer un fluide sous pression dans la bombe aérosol. La bombe aérosol peut contenir plus de fluide par volume qu’un contenant non aérosol. Ainsi, l’utilisation d’une bombe aérosol avec CFC permet de réduire la quantité de contenant consommé par volume de fluide, et donc a un impact positif sur l’environnement. Le demandeur demande donc l’examen accéléré. »
Compte tenu de mon succès absolu en utilisant l’initiative d’examen accéléré pour technologie verte, la question se pose à savoir si les trois innovations mentionnées ci-haut seraient éligibles au programme.
Ceci étant dit, l’initiative a un impact limité, soit de raccourcir la réactivité de l’OPIC dans l’examen d’un dossier. Si les enjeux étaient plus grands, ça serait plus alarmant!