Après Dylan, les Beatles décident eux aussi de « publier » certains enregistrements sonores jusque-là inédits afin d’éviter qu’ils ne tombent dans le domaine public. En tout, 59 morceaux ont été publiés par Apple Records durant la période des fêtes. Bien que ces enregistrements ont depuis longtemps été accessibles par des copies pirates de basse qualité circulant sur le web, elles n’ont jamais auparavant été officiellement publiées. On réalise toutefois rapidement que cette offrande tient beaucoup plus de la stratégie d’affaires que du cadeau de Noël…
En effet, des changements récents dans la législation européenne régissant le droit d’auteur ont prolongé la durée du droit d’auteur sur les enregistrements sonores de 50 à 70 ans. Ces changements, introduits par la Directive 2011/77/UE en vigueur depuis le 1er Novembre 2013, font toutefois également en sorte que, une fois enregistré, si un enregistrement sonore demeure inédit, la durée du droit d’auteur restera de 50 ans, une clause souvent référée en tant que « use or lose it clause ». En offrant ainsi au public en 2013 ces titres enregistrés en 1963, le studio détenant les droits d’exploitation de la musique des Beatles prolonge par le fait-même sa période de protection exclusive de 20 ans.
Rappelons que Sony Music a également fait paraître en début 2013 un album ultra limité de chansons inédites de Bob Dylan, au tirage de 100 unités seulement, intitulé sans ambages « The 50th Anniversary Collection: The Copyright Extension Collection, Vol 1. ». L’objectif avoué était ici d’éviter que ces enregistrements sonores tombent dans le domaine public afin d’en exploiter des bénéfices économiques à une date future.
Au Canada, la définition de « publication » au sens de la Loi sur le droit d’auteur est tout simplement le fait de « la mise à la disposition du public d’exemplaires », sans spécificité de la quantité requise. Le studio détenant les droits sur ces enregistrements de Dylan n’en avait émis que 100. On ne dit pas combien les Beatles en ont émis.
On notera par contre que, dans les conditions canadiennes d’obtention du droit d’auteur sur les «œuvres», une « publication » n’est valablement faite que lorsqu’il y a « des exemplaires en quantité suffisante pour satisfaire la demande raisonnable du public, compte tenu de la nature de l’œuvre ». Toutefois, un enregistrement sonore n’est pas une « œuvre » au sens de la Loi (c’est un «autre objet de droit d’auteur») et ainsi la mise à disposition d’une centaine d’exemplaires aussitôt achetés par l’entourage immédiat des Beatles et de leurs avocats suffirait peut-être pour qu’on puisse considérer l’enregistrement comme étant publié, donc échappant au couperet qui fait tomber à date fixe dans le domaine public ce qui n’est pas publié.
Il est donc raisonnable de s’attendre au fait que toutes les principales maisons de disques publieront des collections d’enregistrements inédits de toutes vos idoles des années 60 et 70 dans les années à venir, le délai de 50 ans venant à échéance en Europe. Restez à l’affût toutefois, car les copies d’un tirage inédit paru sous de telles prémisses pourraient littéralement se vendre comme des petits pains chauds!