Je donne maintenant suite à cette palpitante histoire de biscuits au terme de laquelle nous avions convenu que le biscuit revendiqué par la compagnie Arachide était nouveau par rapport au biscuit de la firme Chocolat. Vous pouvez lire l’histoire ici .

En guise de conclusion du dernier billet, nous disions que la véritable question était de savoir s’il était évident d’ajouter des arachides à un biscuit à la place du chocolat. En gros, l’évidence – obviousness en anglais – est de savoir si une personne versée dans l’art serait arrivée directement et sans embûche à l’invention revendiquée en s’inspirant de l’art antérieur. Une personne versée dans l’art est généralement décrite comme une personne qui n’est pas inventeur et donc sans intuition, mais plutôt quelqu’un qui est habilité à exécuter des ordres sans trop se poser de questions.

Reprenons donc le cas hypothétique des biscuits. Une personne versée dans l’art pourrait être décrite dans cet exemple comme le cuisinier ou la cuisinière occasionnel qui suit des recettes à la lettre et qui n’est pas du genre à improviser. Cette personne versée dans l’art est donc quelqu’un qui ne fait que reproduire les recettes sans se poser de questions. Cette personne n’est pas du genre à remplacer des ingrédients, ou se lancer dans une recette s’il manque des ingrédients.

Donc, si l’art antérieur est le biscuit de Chocolat et que les arachides sont bien connues et utilisées dans diverses pâtisseries, la question est de savoir si la personne versée dans l’art aurait pensé à remplacer le chocolat du biscuit de Chocolat par des arachides, pour améliorer son goût. Dans ce cas-ci, l’examinateur aurait beau jeu d’argumenter qu’il aurait été évident d’ajouter des arachides, parce que lesdites arachides sont meilleures pour la santé que le chocolat (outre les allergies), tout en ajoutant du croquant.  L’examinateur pourrait ajouter que les arachides sont généralement compatibles avec ce type de biscuit. Difficile de contredire l’examinateur!

Peut-être qu’un meilleur exemple serait le biscuit suivant (exemple fictif évidemment):

1. Un biscuit comprenant:

un oeuf;

de la farine;

du sucre;

de la margarine;

de la poudre à pâte; et

du whisky.

L’ajout d’une cuillerée de whisky pourrait avoir été fait dans le but d’agir comme agent de conservation dans le biscuit, l’alcool retardant la prolifération de moisissures. Ainsi, l’ajout de whisky permet d’augmenter la durée de vie du biscuit, tout en lui ajoutant un bouquet sympathique. Par contre, le fait que le whisky fasse partie d’un ensemble qui soit cuit diminue les effets alcooliques de celui-ci. Ce fait est important si on considère que les premiers consommateurs de biscuits sont souvent des enfants en bas âge. Donc, si l’examinateur argumente qu’il aurait été évident d’ajouter du whisky au biscuit de Chocolat, l’argument à présenter irait comme suit :

« Une personne versée dans l’art n’aurait pas pensé ajouter du whisky compte tenu du fait que les biscuits sont typiquement mangés par des personnes en bas âge, à qui il faut généralement éviter de donner des produits alcoolisés. Par ailleurs, des propriétés ont été découvertes pour augmenter la durée de vie du biscuit en la présence du whisky, car le whisky empêche la prolifération des bactéries. On a d’ailleurs découvert que la cuisson atténue sensiblement le taux d’alcool, quitte à n’en laisser que quelques traces.

Donc une personne versée dans l’art n’aurait pas pensé à ajouter du whisky au biscuit pour les raisons mentionnées ci-haut. Une personne versée dans l’art n’aurait pas pensé aux propriétés de conservation du fait qu’elles n’étaient pas connues avant le dépôt de la demande de brevet. L’invention est donc non-évidente pour une personne versée dans l’art. »

Et ce type d’argument risque de fonctionner, du moins au Canada !  Le biscuit au whisky tel que revendiqué ne serait pas évident, et donc brevetable!