Enfin des modifications utiles
Mon sang n’a fait qu’un tour quand j’ai vu que l’administration Harper allait encore une fois modifier la Loi sur le droit d’auteur. Il me semblait que les dégâts de la révision de 2012 étaient déjà bien suffisants et qu’on pouvait cesser de s’acharner contre les produits culturels qui font vivre toutes sortes de commerçants sauf ceux qui les créent.
C’est Jemmy Nelson, une stagiaire dans notre groupe de Propriété Intellectuelle qui m’a rassuré, en me faisant d’abord noter que c’est non seulement la Loi sur le droit d’auteur mais aussi la Loi sur les marques de commerce et d’autres lois connexes qui devaient être amendées pour, cette fois-ci, une excellente raison. Lisez donc Jemmy.
CB
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Durant mon voyage en Thaïlande, j’ai été surprise de constater à quel point la contrefaçon était répandue. Avant ce périple, ma conception de ce fléau s’arrêtait aux sacs à main et aux montres de luxe. Quelle n’a pas été ma stupéfaction de voir qu’elle s’étendait aussi au maquillage! C’est à ce moment-là que j’ai réalisé que ce problème touchait réellement la santé publique. En effet, en tant que consommatrice, j’aurais eu de la difficulté à faire la différence entre le produit original et le produit contrefait. Le seul indice qui m’a mis la puce à l’oreille était le prix dérisoire du produit en question.
Le 1er mars 2013, le gouvernement fédéral a tenté tant bien que mal de s’attaquer de front à ce problème en déposant à la Chambre des communes le projet de loi C-56 s’intitulant la Loi modifiant la Loi sur le droit d’auteur, la Loi sur les marques de commerce et d’autres lois en conséquence, mieux connu sous le titre abrégé de Loi visant à combattre la contrefaçon de produits.
Malheureusement, en raison de la prorogation du Parlement du Canada survenu le 13 septembre dernier, la session parlementaire a pris fin entraînant la mort au Feuilleton du projet de loi C-56. Lorsque le Parlement est prorogé, les projets de loi qui n’ont pas reçu la sanction royale avant la prorogation tel qu’en l’espèce disparaissent totalement comme s’ils n’avaient jamais vu le jour.
Il est toutefois possible de les présenter à nouveau à la prochaine session parlementaire. C’est pourquoi le gouvernement fédéral a déposé à la Chambre des communes, le 28 octobre 2013, le projet de loi C-8 qui est en fait identique à son prédécesseur, le projet de loi C-56. Les projets de loi disparus suite à une prorogation peuvent être rétablis, par voie de motion au début de la nouvelle session, à l’étape où ils en étaient à la fin de la session précédente. C’est ce qui a permis au projet de loi C-8, en vertu d’une ordonnance faite le 21 octobre 2013, d’être réputé être rendu à la deuxième lecture; il a été référé au Comité permanent de l’industrie, la science et la technologie.
Le projet de loi C-8 vise à renforcer la mise en œuvre des droits d’auteur et des droits relatifs aux marques de commerce et à contrer le commerce d’exemplaires produits en violation du droit d’auteur et de produits de marque contrefaits. Comment ce projet de loi compte-t-il s’y prendre? En apportant des modifications à la Loi sur le droit d’auteur et la Loi sur les marques de commerce afin de mettre en place des recours civils et criminels supplémentaires de même que de nouvelles mesures frontalières.
Dans sa déclaration du 4 décembre dernier au sujet de la protection des consommateurs canadiens contre la contrefaçon de produits, le ministre de l’Industrie, James Moore, a déclaré entre autres ce qui suit, suite à l’étude du projet de loi C-8 par le Comité permanent de l’industrie, des sciences et de la technologie :
La menace grandissante que posent les produits contrefaits et piratés au Canada et dans le monde entier appelle des mesures rigoureuses de la part du gouvernement. De tels produits nuisent à notre économie, portent atteinte à l’innovation, ralentissent la croissance économique et menacent la santé et la sécurité des Canadiens.
La contrefaçon ne touche pas seulement les montres et les sacs à main. Récemment, les autorités chargées de l’application des lois ont indiqué que des produits contrefaits en provenance de l’étranger, comme des pièces d’auto, des piles et même des médicaments essentiels à la survie, entrent sur le marché canadien. Les Canadiens dépendent de ces biens qu’ils utilisent au quotidien et ils sont en droit de se fier à l’excellence des marques qu’ils achètent. Les Canadiens méritent cette certitude lors de leurs transactions, tout comme les entreprises légitimes méritent de savoir avec certitude que leur marque — leur réputation — est protégée en vertu de la loi.
Ce projet de loi créera notamment de nouvelles causes d’action visant les activités qui favorisent le commerce de produits contrefaits. Par ailleurs, les titulaires de marque de commerce pourront intenter des procédures civiles pour contrer la fabrication, la distribution et la possession de produits contrefaits destinés à la vente et ce, même avant leur mise en marché.
Désormais, la vente, la distribution, la possession, l’importation et l’exportation de produits contrefaits destinés à la vente seront interdites et passibles d’amendes et de peines d’emprisonnement. Ce projet contient de nouvelles infractions criminelles relatives à la contrefaçon des marques de commerce qui sont analogues aux infractions déjà prévues à la Loi sur le droit d’auteur ainsi que de nouvelles infractions criminelles interdisant la possession et l’exportation d’exemplaires produits en violation du droit d’auteur, d’une part, et de produits de marque, d’emballages et d’étiquettes contrefaits, d’autre part. Afin de donner un côté pratique à ce projet, la Gendarmerie royale du Canada sera autorisée à saisir des produits contrefaits suite à leur possession et à leur exportation à des fins commerciales. Les policiers pourront maintenant à l’aide d’une autorisation judiciaire utiliser l’écoute électronique dans le cadre d’enquêtes grâce à l’ajout d’infractions à la Loi sur le droit d’auteur, à la Loi sur les marques de commerce et au Code criminel leur permettant de faire une telle demande.
En outre, le projet de loi instaurera de nouvelles mesures frontalières grâce auxquelles les titulaires de marque de commerce et de droits d’auteur pourront présenter une demande d’aide à l’Agence des services frontaliers du Canada pour que les agents des douanes retiennent les expéditions commerciales soupçonnées de violer les droits d’auteur ou les droits relatifs à une marque de commerce permettant ainsi aux titulaires de marque de commerce d’intenter des poursuites au civil. Afin d’appuyer ce processus, les agents des services frontaliers disposeront de pouvoirs accrus en vue de partager des renseignements relatifs aux produits retenus avec les titulaires de droits qui ont présenté une demande d’aide. Cette participation des titulaires de droits au régime de demande d’aide occasionnera cependant certains frais associés aux envois retenus par les agents des services frontaliers. Il est également intéressant de noter que les mesures frontalières ne s’appliquent pas à l’importation ni à l’exportation d’exemplaires ou de produits par des particuliers pour leur usage personnel.
La portée de ce que constitue une marque de commerce enregistrable sera élargie par des modifications apportées à la Loi sur les marques de commerce. De plus, ces modifications permettront également au registraire des marques de commerce de corriger les erreurs figurant au registre. En définitive, le processus de demande d’enregistrement de marques de commerce et d’opposition à celles-ci sera rationalisé et modernisé.
Jusqu’à maintenant, le projet de loi a franchi à la Chambre des communes les étapes suivantes : la première lecture, la deuxième lecture, l’étape de l’étude en comité et l’étape du rapport. Il est présentement en troisième lecture. Lorsque le projet de loi franchira l’étape de la troisième lecture, il sera envoyé au Sénat où il devra suivre les mêmes étapes avant d’être remis au Gouverneur général pour la sanction royale.
Pour de plus amples détails, je vous invite à consulter la page relative au projet de loi sur le site Internet du Parlement du Canada.
Jemmy Nelson, Stagiaire en droit