Par: Xavier Beauchamp-Tremblay

Les changements aux termes et conditions de certains des plus grands réseaux sociaux ont entraîné une considérable controverse ces dernières semaines.

Facebook a fait les manchettes récemment (en fait, Facebook fait toujours une ou deux manchettes par jour, donc l’expression est peut-être mal choisie) à la suite d’un changement à sa politique concernant les « fanpages ».

Il semble que Facebook ne distribue maintenant les « posts » des opérateurs de ses « fanpages » (principalement des propriétaires de marques, au sens large) qu’à 15% de leurs « fans » respectifs.

Les propriétaires de marques opérant une page Facebook doivent désormais payer pour atteindre des pourcentages plus élevés et rejoindre l’ensemble de leur lectorat potentiel.

Pour les pages les plus populaires, les montants requis peuvent être très importants et certains propriétaires de marques ne se gênent pas pour s’en plaindre publiquement.

Voilà que Instagram (acheté par Facebook cet été) fait parler de lui aujourd’hui pour avoir changé les termes et conditions de sa plateforme concernant la propriété intellectuelle. Les nouveaux termes, qui entreront en vigueur en janvier, prévoient que Instagram pourra « vendre » les photos mises en ligne par ses usagers (dont plusieurs propriétaires de marques) à des annonceurs:

Some or all of the Service may be supported by advertising revenue. To help us deliver interesting paid or sponsored content or promotions, you agree that a business or other entity may pay us to display your username, likeness, photos (along with any associated metadata), and/or actions you take, in connection with paid or sponsored content or promotions, without any compensation to you. If you are under the age of eighteen (18), or under any other applicable age of majority, you represent that at least one of your parents or legal guardians has also agreed to this provision (and the use of your name, likeness, username, and/or photos (along with any associated metadata)) on your behalf.

Jusqu’à maintenant, les sites offrant des services de réseaux sociaux se contentaient habituellement de se donner une licence, dans des termes très larges, sur tout le contenu mis en ligne par leurs usagers, sans préciser qu’ils pourraient en faire une exploitation commerciale (autre que pour opérer le site). Reste qu’il est possible qu’on puisse interpréter la clause de licence de propriété intellectuelle de Facebook (copiée ici) en lui donnant le même sens que les nouveaux termes et conditions de Instagram reproduits ci-dessus.

Une note de service prophétique

À trois jours de la date d’une célèbre prophétie maya annonçant la fin du monde, je me permets de citer une de mes propres prophéties, provenant d’une note de service de l’automne 2010 (Instagram n’avait même pas encore été lancé à l’époque):

Contrairement à un site Internet standard où les fournisseurs (registraire de noms de domaines et hébergeur) n’ont aucun contrôle sur l’interface ou les fonctionnalités que veut mettre en place le propriétaire de la page, les usagers de Facebook sont largement dépendants des évolutions de la plateforme que Facebook peut imposer unilatéralement. En conséquence, la création d’une page Facebook comporte certains risques que l’investissement mis à créer une page et à y générer un achalandage soit un jour compromis. Par exemple :

Facebook peut changer ses pratiques ou ses conditions d’utilisation unilatéralement, ceux-ci devenant alors inacceptables pour l’opérateur de la page qui serait contraint à fermer sa page.

Facebook peut drastiquement [Note: J’aurais dû écrire « de façon draconienne« ] changer son modèle d’affaires et, par exemple, faire disparaître les pages corporatives ou imposer des frais importants aux compagnies opérant des pages à des fins commerciales.

J’ai repris ce commentaire dans plusieurs présentations que j’ai données par la suite, dont celle-ci. Bien franchement, je n’ai certainement pas de monopole prophétique à cet égard puisque c’est un discours que plusieurs experts des médias sociaux tiennent depuis plusieurs années. Reste que je n’ai pas souvent entendu d’avocats faire le même commentaire.

La leçon

Vous ne vous imaginiez pas, j’espère, que j’allais me contenter de simplement me flatter dans le dos pour un commentaire prophétique de 2010? Chez les Actifs créatifs, on aime ça quand nos billets ont des leçons.

Je me souviens de m’être demandé (en écrivant ma note de service de 2010) si le risque de changement aux termes et conditions (au point où ils deviennent inacceptables pour un propriétaire de marque) était vraiment un risque important; si ça valait la peine d’en parler ou si je pelletais des nuages avec des risques théoriques et lointains.

J’avais été échaudé par Ning (un petit site pour créer des réseaux sociaux personnalisés), que j’utilisais pour des projets personnels (la gestion d’une ligue de fantasy baseball… voilà, c’est dit) et qui avait soudainement changé sa structure de prix, rendant ça impossible pour moi de continuer de l’utiliser dans ce contexte, après y avoir mis pourtant un temps considérable. Mais un géant avec le vent dans les voiles comme Facebook? C’était difficile à croire.

La suite a démontré que ces risques étaient bien réels… et il faut ici revenir à la base:

Dans un contexte d’affaires, Facebook et tous ces autres services (gratuits) sont indispensables pour faire valoir ce qu’on publie ailleurs. Dans son livre Les Médias sociaux 101, Michelle Blanc disait:

Pour que votre présence sur Internet soit efficace, il faut que vous soyez aussi sur ces faire-valoir, à la fois créateurs de conversations et de trafic, que sont Facebook, Twitter, YouTube (…) pour ne nommer que ceux-là.

Par contre, quand on y publie du contenu, il faut comprendre qu’on est à la merci des évolutions de cette plateforme et de ses termes et conditions qui sont ultimement un contrat dont les termes, actuels et futurs, sont à prendre ou à laisser.

Plutôt que de faire d’une plateforme gratuite le « moyen et la fin » de votre présence web, il semble donc généralement préférable:

  • de se servir des plateformes gratuites comme Facebook pour dynamiser une communauté et diriger ses membres vers du contenu mis en ligne sur un site qu’on contrôle en vertu d’un contrat convenable avec un fournisseur de service d’hébergement;
  • d’encourager les « fans » à s’abonner directement au site (plutôt que simplement « aimer » la page Facebook les y ayant dirigés) en utilisant des technologies qui n’appartiennent pas à quelqu’un en particulier, comme les fils RSS ou des listes de distribution par courriel.

Sauf développement extraordinaire, c’était mon dernier billet avant la fin du monde les Fêtes. Meilleurs voeux à vous tous, chers lecteurs, et merci de compter parmi les « early adopters » de notre blogue!