Un jugement établissant un précédent, la première décision canadienne à considérer l’interdiction du contournement des mesures techniques de protection (MTP) dans la Loi sur le droit d’auteur, a récemment été rendu. Nintendo of America Inc. v. King, 2017 FC 246 (Nintendo) est une décision importante pour les titulaires de droit d’auteur, particulièrement ceux travaillant dans les domaines des jeux vidéo et des logiciels informatiques, qui confirme que les contrefacteurs et les pirates informatiques feront face à des sanctions significatives au Canada.
Dans le jugement Nintendo, le juge Douglas Campbell de la Cour fédérale a accueilli la demande de Nintendo et a trouvé le défendeur, Go Cyber Shopping (2005) Ltd., coupable d’avoir violé les droits d’auteur détenus par Nintendo concernant 585 jeux vidéo, ainsi que pour les données de tête associées à ces jeux, et a interdit à Go Cyber de continuer à agir ainsi.
La loi canadienne sur les droits d’auteur protège l’œuvre originale, incluant les programmes informatiques. Vu la facilité avec laquelle l’œuvre numérique peut être copiée, le gouvernement canadien a amendé en 2012 la Loi sur le droit d’auteur afin d’empêcher le contournement des MTP. Les MTP ont été définies au sens large comme signifiant « toute technologie ou tout dispositif ou composant qui, dans le cadre normal de son fonctionnement, […] contrôle efficacement l’accès à une œuvre » ou restreint certains agissements envers cette œuvre. Essentiellement, dans le cas où un titulaire de droit d’auteur a utilisé une MTP, il est interdit à toute autre personne d’éviter, de contourner ou de retirer cette MTP.
Les jeux de Nintendo étaient protégés par les données de tête, un type de MTP permettant aux jeux d’être joués sur les consoles de jeux Nintendo. Étant donné la popularité des jeux Nintendo, les pirates informatiques faisaient des copies non-autorisées ou offraient des façons d’accéder à des copies non-autorisées des jeux joués sur les consoles Nintendo. Nintendo utilise divers moyens afin de restreindre l’utilisation non-autorisée des logiciels sur ses consoles, incluant :
- la configuration physique des cartes de jeu, incluant la forme, la taille et l’arrangement des connecteurs électriques avec la console, le démarrage informatisé des contrôles de sécurité, et le code de cryptage et d’embrouillage, dans le cas du système Nintendo DS; et
- un format propriétaire de données et un code de protection pour la copie pour ses systèmes Wii,
pour empêcher l’utilisation de jeux contrefaits.
Go Cyber vendait des « copieurs de jeux », des appareils conçus pour permettre à un utilisateur, en violation du droit d’auteur, de télécharger une copie d’un jeu de Nintendo à partir d’internet et d’y jouer sur une console Nintendo DS, ainsi que des puces qui désactivent les contrôles de sécurité sur les consoles de la Wii.
Le juge Campbell n’a pas eu de difficulté à reconnaître que Go Cyber avait commis une violation secondaire (indirecte) en vendant des copieurs de jeux et des puces. Ainsi, le juge Campbell a offert une interprétation large des MTP et a trouvé qu’elles s’étendent aux mesures physiques de contrôle d’accès aux œuvres protégées par le droit d’auteur. La cour a rejeté la défense d’interopérabilité de Go Cyber.
La cour a accordé des dommages statutaires (qui sont de l’ordre de 500 $ à 20 000 $ par œuvre) les plus élevés possible en l’espèce, soit un total de 11 760 000 $, et des dommages punitifs de 1 000 000 $, en plus d’une mesure injonctive.
Le jugement Nintendo est le dernier d’une série de jugements de la Cour fédérale qui a imposé des pénalités significatives aux contrefacteurs et aux pirates informatiques et confirme que les cours canadiennes adopteront la ligne dure envers de telles activités.
Traduction : Michèle Giguère