Par: Christian Cawthorn

Plusieurs auront entendu à de nombreuses reprises le terme « submarine patent » ou un « demande de brevet sous-marine ». En fait, qu’est-ce qu’une demande de brevet sous-marine? Les demandes de brevet sous-marines sont en fait des demandes de brevet qui ont généralement été accordées et pour lesquelles un brevet a été émis plusieurs années après le dépôt de la demande, mais qui pendant tout ce temps n’avaient jamais été publiées, de sorte que personne ne pouvait identifier ces demandes de brevet qui étaient alors en instance. Plusieurs faisaient usage de demandes de brevet sous-marines pour maintenir en instance une demande de brevet sur une invention, le temps nécessaire pour que le marché se développe et que l’invention soit acceptée sur le marché.

Prenons par exemple le code à barres. Les premières demandes de brevet déposées pour le code à barres ont été déposées dans les années `50. Toutefois, ce n’est qu’au milieu des années `70 que les premiers lecteurs de codes à barres ont été utilisés dans un supermarché. Le premier code à barres se retrouvait ainsi sur un paquet de gomme Wrigley. Si les inventeurs du code à barres et du lecteur pour ce dernier, après avoir déposé une demande de brevet au milieu des années `50 avaient obtenu un brevet sur leur machine, généralement entre 3-5 ans après le dépôt de leur demande de brevet, les inventeurs auraient ainsi pu avoir un brevet au début des années `60, lequel serait arrivé à expiration vers la fin des années `70. Le premier code à barres, tel que mentionné, n’est apparu qu’au milieu des années `70, les inventeurs n’auraient donc pu obtenir qu’une compensation limitée pour l’usage commercial de leur invention que pour quelques années seulement.

De manière à pouvoir maximiser l’effet d’un brevet, certains en sont donc venus à imaginer de déposer une demande de brevet, maintenir cette dernière artificiellement le plus longtemps possible en instance, en y apportant nombre de modifications qui feraient ainsi retourner le dossier sur le bureau de l’Examinateur retardant ainsi l’octroi d’un brevet futur. Ce faisant, le brevet n’étant pas émis, les inventeurs attendaient alors que le marché se développe pour éventuellement faire resurgir leur brevet en temps opportun. Une telle stratégie impliquait donc 2 pré requis, à savoir que les demandes de brevet ne devraient pas être publiées et en second lieu que les brevets éventuellement accordés puissent avoir éventuellement un terme acceptable malgré les délais prolongés devant les bureaux des brevets. Ainsi donc, avant le 7 juin 1995, les États-Unis avaient un système en place qui faisait en sorte que les demandes de brevet déposées avant cette date demeuraient secrètes tant et aussi longtemps que la demande était en instance. Seul le brevet était éventuellement publié. De plus, pour toute demande de brevet déposée avant cette date, le brevet émis sur une telle demande portait un terme de 17 ans à compter de la date d’octroi du brevet. Dans un premier effort pour éliminer les demandes de brevet sous marines, le Bureau des brevets avait alors changé les lois sur les brevets en 1995, pour faire en sorte que les demandes de brevets portent maintenant un terme de 20 ans à compter de la date de dépôt de la demande. Ainsi, les inventeurs n’auraient aucun incitatif à prolonger indûment la poursuite d’une demande de brevet, sachant que la période d’exclusivité serait par conséquent raccourcie.

Les efforts du Bureau des brevets en 1995 pour ralentir l’usage des demandes de brevet sous-marines ont porté fruits jusqu’à certains points. Toutefois, certaines demandes de brevets qui avaient déposées avant le 7 juin 1995 avaient toujours la possibilité, jusqu’à un certain point, de devenir des demandes de brevets sous-marines. Dans un ultime effort, le Congrès américain est à revoir présentement certains amendements à la Loi sur les brevets, afin d’éliminer tout terme restant d’un brevet obtenu sur la base d’une demande qui aurait été déposée avant le 7 juin 1995 (maintenant plus de 17 ans).

La question se pose donc, existe-t-il toujours des demandes de brevets sous-marines en instance au Bureau des brevets des États-Unis. Selon certains sites, il pourrait exister plus de 200 demandes qui ont été déposées avant le 7 juin 1995, et qui possiblement pourraient être des demandes de brevets sous marines. Toutefois, on peut toujours se demander, vu les avancées exponentielles de la technologie des dernières années, si ces inventions qui ont été déposées avant le 7 juin 1995 seraient très effectivement encore très utiles sur le marché d’aujourd’hui. Seul le temps nous le dira.
Est-ce qu’une telle situation pourrait se retrouver ici au Canada?

Effectivement, tel que je l’ai mentionné plus haut, les deux conditions nécessaires pour avoir une demande de brevet sous-marine, à savoir que la demande doit demeurer secrète jusqu’à l’octroi du brevet et que le terme du brevet doit être calculé à partir de la date d’octroi du brevet, étaient rencontrées avec l’ancienne lois sur les brevets, telle qu’elle existait avant le 1er octobre 1989, il y a plus de 23 ans maintenant. Selon un rapport émis par l’Office de la Propriété Intellectuelle du Canada (OPIC), il existerait toujours entre 50 et 100 demandes de brevet en instance qui auraient été déposées avant le 1er octobre `89 et donc demeureraient encore à ce jour secrètes. Si ces demandes viennent à être brevetées, un éventuel brevet sur ces demandes porterait un terme de 17 ans à compter de la date d’octroi. Ainsi, une demande qui aurait été déposée il y a plus de 23 ans pourrait maintenant être acceptée et un tel brevet porterait une exclusivité pour les 17 prochaines années à venir. Toujours selon le même rapport de l’OPIC, ces demandes seraient principalement concentrées dans le domaine de la biotechnologie.

Comment peut-on identifier ces demandes de brevets sous-marines? Pour ce qui est des demandes américaines, il n’existe aucun moyen de les localiser sans spéculer. Toutefois, pour les demandes canadiennes, dans la mesure où vous pouvez identifier un brevet correspondant à l’étranger, soit un brevet américain, européen ou de tout autre pays, il est possible de demander à l’OPIC une recherche sous l’article 11 de la Loi sur les brevets afin d’être informé de l’existence d’une demande non publiée correspondante à ce brevet. Ainsi donc, même si vous pensez que la technologie est maintenant désuète, si vous comptez commercialiser une invention dans le domaine pharmaceutique ou technologique, il faudrait en discuter afin de s’assurer qu’une telle demande de brevet sous-marine n’existe pas.