Auteur: Eric Bellemare

« C’était mal. Nous présentons nos excuses. Sans réserve ». Voici les mots, tirés d’une lettre solennelle, qui accueillaient le 30 avril dernier les visiteurs du site de Grooveshark, le populaire service de diffusion continue de musique en ligne. Après trois ans de litige pour violation de droit d’auteur, Grooveshark mettait définitivement fin à ses activités.

Fondé en 2007 par trois étudiants américains, Grooveshark permettait l’écoute à la demande de milliers de chansons mises en ligne par des utilisateurs du site. Gratuit et tablant sur le partage d’œuvres musicales, le service était une sorte de Napster dans le nuage. Au sommet de sa popularité, il comptait près de 35 millions d’utilisateurs.

Grooveshark partageait une autre caractéristique avec Napster, soit d’opérer dans un cadre à la légalité douteuse. L’essentiel de la musique offerte sur Grooveshark était mise en ligne par les utilisateurs du site, sans l’autorisation des titulaires des droits d’auteur sur les œuvres. Grooveshark soutenait dans ses premières années d’existence qu’en tant que fournisseur de service en ligne offrant du contenu généré par les utilisateurs, il bénéficiait de l’immunité prévue au Digital Millenium Copyright Act. Cette loi américaine contient en effet des dispositions d’exonération permettant aux fournisseurs de service en ligne de ne pas être tenus responsables pour violation du droit d’auteur en raison du contenu téléversé par des utilisateurs, dans la mesure où certaines conditions sont respectées, dont le retrait immédiat de toute œuvre faisant l’objet d’un avis de violation présumée. Il fut toutefois révélé par la suite que des employés de Grooveshark avaient eux-mêmes mis des chansons en ligne, enlevant à cette prétention toute chance de succès.

Après avoir réglé un premier litige intenté en 2009, Grooveshark a été poursuivi de nouveau en 2011 pour violation du droit d’auteur par de nombreuses étiquettes de disques, dont Universal Music Group, Sony Music Entertainment et Warner Music Group. Au terme de cette poursuite, Grooveshark a été condamné en 2012 pour avoir sciemment violé le droit d’auteur dans des milliers d’œuvres appartenant aux demanderesses. Face à la perspective de payer une somme s’élevant jusqu’à 736 millions de dollars dans un procès en quantification des dommages, Grooveshark s’est finalement entendu avec les demanderesses. Les termes de l’entente, révélés le 1er mai, prévoient que Grooveshark a accepté de payer un montant de 50 millions de dollars pour mettre fin au litige. Même si elles ont potentiellement laissé sur la table plusieurs centaines de millions de dollars, les étiquettes de disques ont obtenu de Grooveshark des excuses sans appel et une profession de foi en faveur des services respectueux des droits d’auteur, déclarations plutôt rares au sein du milieu du partage de fichiers : « Si vous aimez la musique et respectez les artistes, les auteurs et tous ceux qui rendent la bonne musique possible, utilisez un service sous licence qui compense les artistes et les autres titulaires de droits ».