Les professionnels de la propriété intellectuelle (PI), et évidemment les propriétaires de droits de PI, s’entendent généralement sur la valeur importante des brevets. Par contre, une question qui est parfois à considérer est à savoir s’il est préférable de conserver une innovation en tant que secret commercial ou plutôt en faire l’objet d’une demande de brevet.

Il y a évidemment plusieurs facteurs à considérer et toutes ces considérations vont au-delà de ce billet. Je mentionne toutefois qu’une différence majeure entre le système des brevets et les secrets commerciaux  est que les brevets requièrent la divulgation de l’innovation alors que le secret commercial exige le contraire.

Un nouvel article intéressant sur la question a été publié en octobre par Nishant Dass, Vikram Nanda et Steven Chong Xiao, des spécialistes du domaine de la finance :

Intellectual Property Protection and Financial Markets: Patenting vs. Secrecy. : http://ssrn.com/abstract=2517838 ou http://dx.doi.org/10.2139/ssrn.2517838

En plus d’autres considérations, on peut imaginer que le choix entre protéger une innovation par secret commercial ou un brevet risque d’être affecté par le degré de protection qu’offre respectivement chaque moyen. Les auteurs de l’article ont proposé comme hypothèse qu’une plus forte protection du secret commercial encouragera les entreprises à adopter cet outil, qui a pour effet d’augmenter l’asymétrie de l’information (situation où certaines parties disposent d’informations pertinentes que d’autres n’ont pas) et réduit la liquidité de l’action (propriété de l’action qui permet d’effectuer des transactions sur celle-ci sans que cela ait d’effet majeur sur les prix).

La deuxième partie de l’hypothèse propose qu’une meilleure protection des innovations par les brevets encourage les entreprises à demander des brevets, donc de divulguer des informations sur ces entreprises qui résulte en une plus grande liquidité du titre.

Les auteurs ont recensé les réactions du marché suite à la mise en place de l’Accord sur les Aspects des Droits de Propriété Intellectuelle qui Touchent au Commerce (ADPIC, ou en anglais TRIPS) en comparaison avec un renforcement de la protection offerte par le secret commercial aux États-Unis d’Amérique.

Les conclusions des auteurs sont frappantes :

* La mise en œuvre de l’ADPIC, qui a renforcé la protection des brevets, a augmenté la transparence (c’est-à-dire la connaissance accrue de l’entreprise par le marché) et la liquidité des titres. La divulgation des innovations faisant l’objet d’une demande de brevet offre aux investisseurs une information directe concernant les droits détenus par l’entreprise. Un régime de brevet fort incite les entreprises à obtenir des brevets, ce qui rend plus facile pour ces dernières les levées de fonds dans le marché de capitaux.

* L’augmentation de la protection du secret commercial contribue à diminuer l’information publique disponible sur les entreprises et cause une réduction de la liquidité du titre. Le renforcement de la protection du secret commercial a également pour effet de rendre plus négative la perception des marchés boursiers à un appel de fonds dans le marché des capitaux (souvent désigné : SEO – seasoned equity offering or secondary equity offering).

Les conclusions de cet article peuvent certainement être utiles au législateur et autres parties impliquées dans le développement de politiques visant à faciliter la croissance des petites entreprises innovantes.