Vous le savez tous, la durée d’un brevet est de vingt ans comptés à partir de sa date de dépôt. Toutefois, avant d’obtenir son brevet, son demandeur doit convaincre le bureau des brevets de l’octroyer. Cette période d’échanges avec le bureau de brevets se nomme la phase de la « demande de brevet ». La période suivante peut être vue comme comme la vie effective du brevet, c’est-à-dire, la période pendant laquelle son détenteur peut le faire valoir contre des utilisateurs non-autorisés de l’invention brevetée. Le graphique sophistiqué suivant montre bien ces deux périodes.

Les deux périodes n’ont pas de durée fixée par la loi, et peuvent donc varier d’un brevet à un autre. Comme on peut le voir, le terme de vingt ans du brevet continue à couler pendant la phase de la demande de brevet. En toute logique, il est dans l’intérêt d’un demandeur de minimiser la durée de la phase de la demande de brevet afin de maximiser la durée de la vie effective du brevet.

En s’inscrivant dans la même logique mais en adoptant la perspective d’un tiers aux motivations néfaste, il est dans l’intérêt de celui qui veut contester le brevet de maximiser la durée passée en phase de demande. Ce faisant, notre tiers antagoniste pourrait réussir à minimiser la vie effective du brevet ou même à empêcher que celui-ci soit octroyé.

Heureusement pour ceux qui se plaisent à contrecarrer les plans des demandeurs de brevets, les bureaux des brevets de plusieurs pays offrent des mécanismes pour s’opposer à une demande de brevet afin que celle-ci meurt dans l’œuf avant qu’un brevet ne voit le jour. Les procédures et échéanciers spécifiques varient d’un pays à l’autre mais le principe demeure le même : un tiers peut soumettre des documents d’art antérieur et des arguments au bureau des brevets pour contester la nouveauté ou l’inventivité de l’invention. L’opération sabotage sera une réussite si l’examinateur est convaincu par l’argumentaire de l’opposant et rejette la demande de brevet sur cette base, remettant ainsi au demandeur le fardeau de défendre en quoi son invention est brevetable.

Certains pays n’imposent aucune limite sur le nombre de soumissions par un même opposant. Au Canada, l’opposant peut en déposer un nombre illimité pendant la phase de la demande de brevet. Étant nous-mêmes plutôt doués pour la mise en œuvre de telles stratégies, nous avons déposé multiples soumissions pour contester des demandes de brevet se trouvant dans la mire d’un client. Pour une demande de brevet, nous avons réussi à faire retrancher neuf à treize mois à la vie effective du brevet visé avec chaque soumission.

Sachez donc que si vous percevez qu’une demande de brevet d’un compétiteur risque de vous faire obstacle si jamais un brevet venait à être octroyé, les soumissions des tiers peuvent réussir à prolonger la phase de la demande de brevet et ainsi réduire la vie effective de l’éventuel brevet ou, mieux encore, à prévenir qu’un brevet soit octroyé. Autrement dit, vous avez des outils légaux à votre disposition pour mettre feu à l’obstacle afin que celui-ci se consomme avant même qu’il se dresse sur votre chemin.