Le mercredi 20 mars à 15h30, la registraire des droits d’auteur aux USA, Maria A. Pallante, comparaîtra devant un sous-comité du Congrès américain pour inviter les parlementaires à entreprendre l’élaboration de ce qu’elle appelle le « Next Great Copyright Act ».

On portera au compte du chauvinisme américain le fait que l’expression donne à croire que le Copyright Act actuel était lui-même en son temps un « Great Copyright Act ». On s’attardera plutôt à l’esquisse de la nouvelle loi que dessine la douzième registraire américaine et qui donne à penser que, selon l’expression populaire, elle a bu une grande rasade du Kool-Aid empoisonné offert par Google et ses armées de lobbyistes depuis maintenant une décennie.

Madame Pallante, dans ses remarques d’ouverture (qu’on trouvera ici) dit bien, quelque part dans son texte, que «une loi qui ne s’occupe pas des auteurs serait illogique — serait en fait difficilement une loi de copyright» mais quand on voit comment elle propose que la loi «s’occupe» des auteurs, on se prend à souhaiter que Dieu nous protège de nos amis.

Si elle semble pencher vers la création d’un nouveau droit d’exécution publique pour les producteurs d’enregistrements sonores (mais apparemment rien pour les artistes-interprètes), elle recommande par contre clairement que la durée du droit d’auteur soit ramenée à 50 ans et que, pour profiter des 20 années de protection supplémentaire qu’accorde la loi américaine, les héritiers soient tenus d’enregistrer leurs droits au Copyright Office. On reconnaîtra là la résistance continue et farouche des États-Unis au système de la Convention de l’Union de Berne (qui interdit que l’exercice du droit d’auteur soit soumis à des formalités), eux qui, dans tous les traités qu’ils signent depuis leur accession à cette convention, prennent le soin de préciser que les parties n’ont pas à respecter les dispositions de l’Union en matière de droit moral. Il est d’ailleurs permis de se demander si les USA ont vraiment le droit d’être dans l’Union.

La registraire propose aussi de renverser le fonctionnement du droit d’auteur dans le cas des maisons d’enseignement. S’il n’en tenait qu’à elle, les maisons d’enseignement n’auraient plus à demander la permission d’utiliser (entendre «utiliser gratuitement») les oeuvres des auteurs; ce droit d’utilisation leur serait acquis d’avance. Ce serait plutôt aux propriétaires de droits d’auteur de s’opposer expressément à de telles utilisations, présumément en manifestant leur refus auprès du Copyright Office de madame la registraire.

Ce qui guide la registraire dans ses recommandations est sa conclusion que «la dissémination des contenus est tellement omniprésente dans la vie au XXIe siècle que la loi devrait être moins technique et plus conviviale». Nous y voilà donc: le modèle d’affaires de Google. Les contenus doivent pouvoir être disséminés gratuitement parce que les énormes revenus de Google viennent de la vente de publicité ciblée sur les pages où les contenus circulent. Plus les contenus sont gratuits, plus ils circulent et plus ils circulent, plus les revenus en placements publicitaires de Google sont importants. Il ne manque pas d’argent dans les industries culturelles: c’est seulement que tout l’argent est accaparé par Google.

Souhaitons que les parlementaires américains montrent plus de discernement que madame Pallante.

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