Les inventions mises en œuvre par ordinateur ont causé beaucoup de maux de têtes aux examinateurs des bureaux des brevets à travers le monde, et par ricochet, aux agents de brevets négociant avec eux. Au Canada, l’Office de la propriété intellectuelle du Canada (OPIC) se débat avec ce type de brevet depuis la décision Schlumberger de 1981, passant par Free World Trust en 2000, et plus récemment avec la décision d’Amazon.com en 2011.

Suite à la décision d’Amazon.com, le bureau des brevets a émis des directives aux examinateurs leur indiquant la marche à suivre lors de l’examen de demandes de brevet portant sur les inventions mises en œuvre par ordinateur. Lorsque les directives ont été publiées, ma collègue Awa Carole Diop a publié un premier billet sur le sujet. Ceci se veut le premier billet d’une série portant sur les façons dont les examinateurs de l’OPIC appliquent et ont appliqué ces directives au courant des trois dernières années.

Les directives conseillent aux examinateurs d’utiliser une approche dite « problème et solution »: l’examinateur se doit d’identifier le problème auquel l’inventeur s’adresse , et se doit d’identifier la solution proposée par l’inventeur. En ligne avec la décision de Free World Trust, l’interprétation téléologique « doit se faire en tenant compte du mémoire descriptif dans son ensemble ». Par contre, les directives notent que l’identification du problème et de la solution associée peut « constituer un exercice intégré », de sorte que la solution identifiée par l’examinateur peut contribuer à l’identification du problème, et vice-versa. De plus, les directives indiquent qu’il est permissible d’ignorer une mention explicite d’un problème si « une telle façon de procéder soit déraisonnable pour une lecture éclairée de [la demande]». De cette façon, l’interprétation effectuée par les examinateurs est parfois différente de celle offerte dans la demande.

Les directives introduisent également la notion d’un « problème d’ordinateur ». Bien que cette notion ne soit pas définie de façon claire, les directives notent quatre éléments spécifiques qui peuvent indiquer l’existence d’un problème d’ordinateur, soit :

  • Un problème spécifique avec le fonctionnement d’un ordinateur
  • La solution contrôle une puce ou autre composante à l’aide d’un « micrologiciel »
  • La description insiste sur des défis/défauts d’anciens ordinateurs
  • Un niveau élevé de détail est accordé aux algorithmes et/ou à la logique réalisée

En revanche, les directives indiquent qu’un problème peut être « pas un problème d’ordinateur » si on parle d’un problème pour lequel la solution pourrait être mise en œuvre à l’aide d’un ordinateur.

Si l’examen supporte l’idée que le problème identifié est un problème d’ordinateur, les éléments jugés essentiels incluront habituellement l’ordinateur et/ou les logiciels récités, et la revendication a de bonnes chances d’être jugée brevetable. On note ici un contraste avec la jurisprudence actuelle aux États-Unis, où les tribunaux appliquent le test à deux étapes énoncé dans la décision Alice, qui cherche plutôt à déterminer si la demande de brevet s’élève à considérablement plus qu’une demande portant sur un concept inéligible.

Dans le prochain billet, je discuterai de la décision du commissaire № 1407, et de la façon dont les directives ont été appliqués lors de cette décision.