Récemment, lors d’un déjeuner conférence portant sur les brevets où mon collègue Alexandre Daoust et moi étions conférenciers, un participant m’a abordé pour me demander de lui transmettre une des diapositives qui lui « aurait été très utile » dans le passé.

Chers lecteurs, je la partage avec vous également, avec bien sûr quelques commentaires.

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En bref, il s’agit d’un exemple de ligne du temps qui illustre les étapes clés de l’obtention d’une protection par brevet pour un cas typique: à partir du dépôt d’une demande de brevet jusqu’à l’expiration du brevet lié à la demande.

Comme un dossier en brevet est une question d’invention technique, bien sûr, mais également de respect de dates limites, j’ai pris soin de présenter plusieurs des dates limites sur cet exemple de ligne du temps.

En ordre chronologique, le tout commence par le dépôt, au temps « 0 », d’une demande de brevet auprès de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada (OPIC). Le temps « 0 » recevra l’appellation « date de dépôt » pour toute la durée du dossier et servira notamment à calculer plusieurs dates limites associées au dossier.

Par exemple, à partir de la date de dépôt, on peut calculer :

  • la date de mise à la disponibilité du public (i.e. la date de publication) de la demande qui se situe 18 mois après la date de dépôt, tel que montré par l’accolade A (si une priorité est revendiquée, la date de publication est calculée à partir de la date de priorité);
  • la date limite pour déposer une requête d’examen se situe 5 ans à partir de la date de dépôt, tel que montré par l’accolade B;
  • la date d’expiration du brevet, si la demande de brevet obtient délivrance, se situe 20 ans après la date de dépôt, tel que montré par l’accolade C; et également
  • les dates limites annuelles pour le paiement de taxes de maintien payables lorsque la demande est en instance et lorsque le brevet est en vigueur, à partir du deuxième anniversaire de la demande de brevet, tel que montré aux points rouges.

À titre indicatif seulement, j’ai décidé de faire un peu d’acrobaties et de présenter non seulement des dates limites fixes et prévisibles, mais également des exemples de dates limites imprévisibles qui sont susceptibles d’arriver dans un dossier de brevet.

Par exemple, tel qu’illustré dans ce cas-ci, une requête d’examen a été déposée au deuxième anniversaire de la date de dépôt. La requête d’examen a pour fonction de déclencher l’examen de la demande de brevet, i.e. le processus par lequel le gouvernement et le demandeur négocient une portée juste et équitable pour tout le monde.

Cette négociation se fait par voie de correspondance bidirectionnelle entre l’inventeur (représenté par son agent) et le gouvernement (représenté par l’examinateur du gouvernement). Dans les cas où le gouvernement n’est pas prêt à accorder la protection demandée par le demandeur, cette correspondance comprend une série de lettres où « rapports d’examen » et « réponses auxdits rapports d’examen » s’alternent.

Petite note ici pour vous rappeler qu’un rapport d’examen est rédigé par un examinateur de l’OPIC et explique ce en quoi une demande n’est pas conforme à la Loi sur les brevets (e.g. manque de nouveauté, manque d’inventivité, formalités, etc.). Une réponse d’examen, quant à elle, est rédigée par l’inventeur (et son agent) et corrige, s’il y a lieu, la demande de brevet en fonction des objections, et plus souvent qu’autrement, explique pourquoi le demandeur a le droit d’obtenir la protection demandée.

Le choix du moment où une telle requête est déposée varie d’un dossier à l’autre. Pour des raisons stratégiques et d’affaires, un demandeur peut vouloir déposer une requête d’examen plus rapidement (dans l’espoir d’obtenir un brevet plus rapidement) tandis qu’un autre demandeur peut vouloir retarder le dépôt de la requête d’examen afin d’étirer la sauce le plus longtemps possible (e.g. pour retarder les coûts associés à l’examen).

À la suite du déclenchement de l’examen, un premier rapport d’examen (ou un avis d’acceptation dans certains cas) est émis typiquement dans l’année et demie voire dans les deux ans suivant le dépôt de la requête d’examen, tout dépendant du domaine de l’invention. En mécanique, par exemple, 90 % des premiers rapports d’examen sont généralement émis 17 mois après la date du dépôt de la requête d’examen (plus de détails ici).

Dans le cas où il n’y a pas acceptation directe et où un premier rapport d’examen est émis environ un an et demi après le dépôt de la requête d’examen, tel qu’illustré sur la ligne du temps, un délai de 6 mois est fixé pour répondre au rapport, tel que montré par l’accolade D. En cas d’examen accéléré, ce délai peut être réduit à 3 mois moyennant quelques formalités.

Dans le cas typique illustré, une réponse est déposée en temps opportun dans les six mois suivant l’émission du premier rapport d’examen. Tout dépendant si l’examen est facile ou difficile, le nombre d’aller-retour entre l’inventeur et le gouvernement peut varier.

Par exemple, dans un cas montré sur la ligne du temps ici-haut, la réponse répond à toutes les objections du premier rapport d’examen et un avis d’acceptation est émis suite au dépôt de la première réponse. L’avis d’acceptation annonce que l’invention, telle que revendiquée, peut faire l’objet d’une protection par brevet et invite le demandeur à payer une taxe finale pour amorcer le processus de délivrance du brevet.

Contrairement à ce à quoi on pourrait s’attendre, aucun brevet n’est délivré tant et aussi longtemps que la taxe finale n’est pas payée. Un délai de six mois, tel que montré à l’accolade E, est prévu entre la date d’émission de l’avis d’acceptation et la date limite pour le paiement de la taxe finale.

Si je me fie à certains dossiers dans lesquels j’ai travaillé récemment, un brevet est délivré typiquement un ou deux mois après le paiement de la taxe finale. Une fois le brevet délivré, le brevet est en vigueur jusqu’à son expiration moyennant le paiement des taxes de maintien qui sont de plus en plus chères au fur et à mesure que le dossier progresse dans le temps.

Ah, j’oubliais presque, parlons un peu de l’accolade F : la période de grâce. Toute divulgation publique de l’invention provenant de l’inventeur ne sera pas retenue contre la brevetabilité de l’invention telle que revendiquée lors de l’examen si cette divulgation publique a été faite à l’intérieur de la période de grâce, i.e. la période d’un an précédant la date de dépôt.

Attention toutefois, cette période de grâce existe seulement dans certains pays, notamment les États-Unis, l’Australie et le Mexique, mais n’existe pas dans la plupart des pays ou régions, en Europe par exemple.

Ainsi, une divulgation publique de votre invention, même si faite à l’intérieur de la période de grâce, pourrait voir vos droits à l’international compromis – de telles divulgations publiques ne sont donc pas à prendre à la légère!!! Oui, oui, vous lisez bien, j’ai bien mis trois points d’exclamation!

Cadeau de Noël : écrivez-moi un courriel (reno.lessard@nortonrosefulbright.com) et je vous ferai parvenir une version imprimable de cette ligne du temps. Vos babillards apprécieront, j’en suis certain!

Joyeuses fêtes!