Suivant un débat médiatisé, l’Assemblée nationale du Québec a finalement adopté le 24 mai 2022 la Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français (le Projet de loi 96), une réforme majeure de la Charte de la langue française de 1977 (la Charte, aussi appelée la loi 101). La Charte impose des exigences linguistiques concernant l’emballage des produits, l’affichage public et la publicité commerciale au Québec. Les amendements adoptés visent, entre autres, à renforcer la prédominance du français. Cette réforme pourrait affecter votre utilisation de vos marques de commerces (enregistrées ou non) sur vos emballages, publicités et affichages publics.

Le Projet de loi 96 renforce également les pouvoirs de redressement de l’Office québécois de la langue française de manière à lui permettre d’imposer des amendes plus élevées, d’émettre des ordonnances en cas de manquements et demander des injonctions pour faire retirer ou détruire des affichages ou matériels publicitaires non conformes.[1] Suivant son adoption, le Projet de loi 96 entrera progressivement en vigueur au cours des trois prochaines années.

Voici un résumé des principaux points à retenir en termes de changements à anticiper et d’étapes à suivre pour vous préparer à ajuster votre stratégie de marques.

Emballages contenant des inscriptions rédigées dans une langue autre que le français

  • Exigence actuelle: Un produit, son contenant ou son emballage, ainsi qu’un document ou objet accompagnant ce produit (ex. un mode d’emploi), peuvent contenir des inscriptions dans une langue autre que le français tant que ces inscriptions ne l’emportent pas sur celles rédigées en français.[2]
  • Changements en vigueur à la sanction royale: En plus de l’exigence actuelle, toute inscription rédigée dans une langue autre que le français ne pourra être « accessible dans des conditions plus favorables » que celle rédigée en français.[3]

Resserrement de l’exception relative aux marques de commerce reconnues sur les emballages

  • Exigence actuelle: Une marque de commerce reconnue (qu’elle soit enregistrée ou non) peut figurer sur un produit uniquement dans une langue autre que le français s’il n’y a pas de version française enregistrée de la même marque.[4]
  • Changements entrant en vigueur d’ici 3 ans : Une marque de commerce pourra figurer sur un produit uniquement dans une langue autre que le français si (1) elle est enregistrée et (2) qu’il n’y a pas de version française enregistrée ou faisant l’objet d’une demande d’enregistrement. Par ailleurs, si la marque en version anglaise comprend des éléments génériques ou un descriptif du produit est compris dans cette marque, celui-ci devra figurer aussi en français sur le produit ou sur un support qui s’y rattache de manière permanente.[5]

Resserrement de l’exception relative aux marques de commerce reconnues dans l’affichage public et la publicité commerciale

  • Exigence actuelle: Sauf exception, l’affichage public, c’est-à-dire l’affichage public sous toutes ses formes doit se faire en français ou, si une autre langue est utilisée, de manière à ce que le français soit nettement prédominant.[6] Cette obligation est moindre dans le cas où une marque de commerce reconnue est utilisée : il est alors permis que la marque soit affichée dans une autre langue que le français (s’il n’y a pas de version française enregistrée de la même marque), dans la mesure où le français maintient une présence suffisant[7]
  • Changements entrant en vigueur d’ici 3 ans : Une marque de commerce pourra figurer uniquement dans une langue autre que le français si (1) elle est enregistrée et (2) qu’il n’y a aucune version française enregistrée ou faisant l’objet d’une demande d’enregistrement.[8] Il importe par ailleurs de noter que pour tout affichage public visible depuis l’extérieur d’un local, le français devra figurer de façon nettement prédominante (c.-à-d. être au moins deux fois plus grand).

Prédominance du français dans l’affichage public des noms d’entreprise

  • Exigence actuelle: Le nom d’une entreprise peut être assorti d’une version dans une autre langue que le français pourvu que, dans son utilisation, le nom de langue française figure de façon au moins aussi évidente.[9]
  • Changements entrant en vigueur d’ici 3 ans: Si l’affichage public visible depuis l’extérieur d’un local contient le nom d’une entreprise comporte une expression tirée d’une langue autre que le français, le français doit figurer de façon « nettement prédominante » sur cet affichage (c.-à-d. être au moins deux fois plus grand).[10]

[1] Projet de loi 96, art. 113.

[2] Charte, art. 51.

[3] Projet de loi 96, art. 42.

[4] Règlement sur la langue du commerce et des affaires, art. 7(4).

[5] Projet de loi 96, art. 42.1 (adopté en commission parlementaire).

[6] Charte, art. 58 al. 2.

[7] Règlement sur la langue du commerce et des affaires, arts. 25 à 25.5.

[8] Projet de loi 96, art. 47.

[9] Charte, art. 68 al. 1.

[10] Projet de loi 96, art. 48.