Tout récemment, Geneviève Hallé-Désilets, stagiaire au bureau de Québec, m’a approché concernant un billet reliant la propriété intellectuelle au secteur de la mode. Pour adapter ma citation favorite de Calvin Candie du film Django Unchained, je dirais que l’idée a initialement piqué ma curiosité, mais son billet a définitivement attiré mon attention. Je vous partage donc, en version intégrale, le billet de Geneviève.
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Rédigé par Geneviève Hallé-Désilets
Les semaines de la mode de Londres et Milan n’étant pas très loin derrière nous et en plein cœur de celle de Paris, il me semblait opportun d’écrire un article sur la mode et plus particulièrement sur la conception populaire selon laquelle l’industrie de la mode n’occupe qu’une place limitée dans le monde de la propriété intellectuelle (PI).
Je m’explique : plusieurs associent instinctivement la propriété intellectuelle aux brevets, lesquels peuvent paraître « inappropriés » dans un contexte de vêtements et d’accessoires de mode. En effet, l’industrie de la mode étant en constante évolution, on a soutenu qu’elle n’avait pas besoin d’une telle protection. Pourtant, il existe d’autres moyens dont cette industrie, hyper lucrative et diversifiée, pourrait bénéficier pour protéger sa PI. Nous les verrons un à un, appuyés d’exemples récents.
Marque de commerce
Une marque de commerce protège notamment des lettres, des mots, des slogans ou des logos distinctifs. Elle confère à son titulaire, pour la durée de son usage, le droit exclusif d’utiliser la marque et d’empêcher tout tiers d’utiliser une marque similaire pouvant créer de la confusion. Par exemple, suite à la création d’un design qui portait son nom sans son autorisation, Tom Ford a commercialisé un chandail de luxe arborant ce même design, mais se détaillant plutôt à 6 500$ (soit 100 fois plus dispendieux que la version contrefaite!).
Secrets industriels
Le secret industriel protège les procédés de fabrication ou le know-how, aussi longtemps que l’information demeure secrète. Il peut couvrir notamment une liste de fournisseurs ou encore la gestion logistique d’une chaîne de valeur. Le processus de production écourté de ZARA en est un bon exemple. Dans la lignée du fast fashion, ZARA utilise un système informatique permettant de raccourcir le cycle de production à 30 jours alors que celui de la plupart de ses concurrents nécessite de 4 à 12 mois.
Dessins industriels
Un dessin industriel protège les caractéristiques visuelles originales d’un objet, notamment les formes, les motifs ou les ornementations. L’enregistrement du dessin industriel accorde le droit exclusif de l’exploiter commercialement pendant 10 ans, à compter de la date du dépôt de la demande. Par exemple, Nike, en tant que propriétaire de Converse, a intenté une poursuite contre 31 compagnies pour contrefaçon du design de son emblématique Chuck Taylor. Le mois passé, Nike et l’une de ces compagnies, Ralph Lauren, sont parvenus à un règlement hors cour selon lequel Ralph Lauren détruira tout son inventaire de souliers imitateurs. Plus que 30 dossiers à régler désormais!
Droits d’auteur
Le droit d’auteur protège les œuvres originales dès leur création. Il subsiste durant toute la vie de l’auteur ainsi que pour les 50 années suivant son décès. Ainsi, les logos, les dessins ou les patrons d’un article de mode peuvent constituer des œuvres artistiques protégées par le droit d’auteur. Quoique l’enregistrement d’un droit d’auteur ne soit pas nécessaire, cette procédure est simple et peu coûteuse, et le certificat d’enregistrement constitue une preuve prima facie de l’existence d’un droit d’auteur. De plus, l’affaire impliquant Louis Vuitton et Burberry démontre qu’il est intéressant de combiner les réclamations pour violation du droit d’auteur et pour contrefaçon d’une marque de commerce, puisqu’un tel cumul de recours permettra d’obtenir une majoration des dommages-intérêts.
Licences
Finalement, la licence permet de capitaliser sur l’utilisation par autrui de ses droits en PI. Par exemple, la technologie d’OMsignal, startup montréalaise, sera utilisée par Ralph Lauren pour certains de ses polos sport. OMsignal commercialise des vêtements intelligents permettant de mesurer et de pister en direct les biosignaux du corps humain. D’ailleurs, on ressent depuis l’année passée la frénésie des technologies portables (wearable technologies)… Et nous n’avons pas fini d’en entendre parler!
Comme nous venons de le voir, les droits de propriété intellectuelle peuvent protéger les vêtements et accessoires de mode autant grâce aux marques de commerce qu’aux secrets industriels, aux dessins industriels, aux droits d’auteurs et aux licences, mais aussi aux brevets ! Ce que nous pourrons explorer ensemble dans mon prochain billet.